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Oct 18, 2013

Mes conversations avec les propriétaires: Francesca Papafava (1ère partie)

Francesca lors de notre rencontre
Francesca, la propriétaire de Frassanelle, en 1959 avec ses deux grand-pères Renzo et Novello
Francesca et sa soeur Maria Novella.
L'aventurier de la famille Pietro Brazza, pieds nus en Afrique. La capitale du Congo, Brazzaville, porte encore son nom
Sport d'hiver parmi les pins, Maria Novella et Francesca patinent à Frassanelle.
L'imposante Villa Frassanelle se trouve en Vénétie, non loin de Venise et de Padoue.

J’ai récemment rendu visite à Francesca Papafava, dans son domaine de Frassanelle.

Ayant grandi à Milan, Francesca a décidé il y a dix ans de gérer la propriété familiale, et c’est ce dont nous avons parlé elle et moi.

Katharina: A quel moment avez-vous décidé, Francesca, d’orienter Frassanelle vers l’agritourisme ?

Francesca:  Lorsque mon père et sa fratrie ont hérité de la propriété, celle-ci était dans un fort piètre état, même si l’endroit avait un très grand charme. Nous nous sommes demandé si nous devions vendre ou au contraire essayer de réunir les fonds pour redonner vie au domaine. Mon père et moi avons envisagé sa restauration, et je l’ai finalement persuadé d’aller de l’avant avec ce projet en le finançant grâce au tourisme.

Quel est la partie du domaine de Frassanelle que vous préférez ?

Le petit mont Piatto, devant la villa. Au sommet, il y a un boisé traversé de sentiers romantiques. J’adore regarder cette colline lorsque je suis dans la villa: ça me rappelle l’époque où nous rendions visite à mes grands-parents.

Comment la famille Papafava a-t-elle hérité de Frassanelle?

Oh, c’est une longue histoire ! Des documents datant du XIIIe siècle attestent de la présence des Papafavas dans la région de Rovolon. Adelmonta de Maltraversi, épouse de Giacomino Carrara Papafava, reçut en dot une partie du domaine.

Par la suite, il s’est passé quelque chose d’intéressant. Les Carraresi furent seigneurs de Padoue de 1318 à 1405, après avoir été nommé protecteur de la ville par acclamation populaire. Novello da Carrara et ses deux fils furent exécutés à Venise à cette époque, et un troisième frère eut droit au même sort au terme d’une campagne menée contre les Vénitiens.

Taddea Ariosti, veuve de son cousin, trouva refuge auprès d’un autre cousin, le duc d’Este de Ferrara. Son troisième enfant naquit au même moment et fut élevé, avec les deux autres enfants de Taddea, dans des conditions favorables. Elle pût alors se dédier pleinement à la défense de son droit de propriété sur le domaine au cœur des collines euganéennes.

Mais les Vénitiens cherchaient par tous les moyens à anéantir la dynastie des Carrara. Ils détruisirent leurs palais et leurs statues, et effacèrent leurs armoiries dans la majorité des villes du Veneto. Enfin, les Carrara furent expropriés de tous leurs domaines au profit des aristocrates Vénitiens.

Mais grâce à sa ténacité et à sa force de caractère, Taddea réussit finalement à démontrer et à défendre la légitimité de son droit de propriété.

C’était une femme forte, comme vous! Combien de générations travaillent en ce moment à Frassanelle ?

Au total, trente générations de Papafava ont habité Frassanelle au fil des siècles. Mais aujourd’hui, deux générations se côtoient ici : celle de mon père et la mienne.

Un jour, un jeune couple avec des enfants est venu nous rendre visite. Le père n’arrêtait pas de parler. Sa fille en était pour le moins gênée ; elle voulut l’interrompre. Mais le père a répondu : « Laisse-moi faire! Pour une fois que j’ai l’occasion de m’adresser à un monument de l’histoire ! » C’est comme ça que je me sens parfois lorsque je regarde les bâtiments, nos employés, les œuvres d’art que nous possédons. Entretenir tout ça, c’est beaucoup de travail. Mais bien des choses sont encore intactes à Frassanelle. Les gens, l’histoire, les anecdotes, la nature environnante: le domaine a encore de belles années devant lui.

Vous souvenez-vous de vos grands-parents ? Que vous ont-ils appris ?

Oh oui, je me souviens d’eux ! Mon grand-père s’asseyait dans le grand bureau pour écrire ; ma grand-mère servait le thé dans le séjour. Mes oncles et mes tantes étaient souvent présents. On parlait politique et philosophie. Je me souviens très bien de la période des Fêtes également. Grand-mère avait l’habitude de décorer l’arbre de Noël dans le hall, et tante Fina se chargeait d’installer la crèche, étape par étape. Elle plaçait d’abord les bergers, l’âne et le bœuf. Puis elle ajoutait Marie et Joseph. Le soir du Réveillon, le petit Jésus était à son tour déposé dans son couffin. Enfin, le 6 janvier, lorsque le moment était venu pour moi de rentrer à Milan, les trois Rois mages avaient fait leur apparition ! Ces figurines mesuraient à peu près 40 centimètres. On les a égarées depuis ; je ne les ai jamais revues.

Nous célébrions Noël avec les ouvriers de Frassanelle, et bien entendu leur donnions les cadeaux laissés par le Père Noël à leur intention ! Je me rappelle le jour où je suis brusquement sortie de l’enfance, lorsque ma sœur Novella demanda au Père Noël : « Mais pourquoi ta barbe tient-elle par un élastique? »

Est-ce que l’un de vos ancêtres se démarque des autres tout particulièrement ?

Oui, Pietro Brazza, sans aucun doute – même si je n’en suis pas une descendante directe. Sa sœur était mon arrière arrière grand-mère. Nous avons donc des liens de famille. Pietro était aventurier ; il a passé beaucoup de temps en Afrique. C’est lui qui a fondé Brazzaville, seule ville africaine à avoir gardé son nom colonial.

Pietro a sans doute joui d’une grande popularité là-bas. Il marchait pieds nus, affranchissait des esclaves. Bref, tout le contraire de Stanley, qui lui avait recours à la force pour assurer sa domination sur la côte opposée du Congo.

Merci beaucoup, Francesca!

Dans le prochain billet, après nous être aujourd’hui penchés sur le passé, nous nous intéresserons à l’avenir des Papafavas et du domaine de Frassanelle.

 

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